Utilité et composition - Les différentes méthodes - Le houblon amer - Le houblon aromatique
Le houblon est une plante grimpante dioïque (plants mâles et femelles) vivace, de la même espèce que le cannabis et qui peut atteindre une dizaine de mètres. Seuls les plans femelles sont cultivés car les plans mâles procurent un goût rance à la bière. Il pousse sous nos latitudes, comme à Poperinge en Flandre, et se récolte entre août et septembre. Il y a une très ancienne tradition de culture du houblon en Belgique, même si la majorité utilisée aujourd’hui provient plutôt de la République Tchèque, de Slovaquie ou d’Allemagne. Les fleurs sont cueillies et nettoyées pour éliminer les débris végétaux indésirables avant d’être envoyées dans une pièce chauffée ou elles seront séchées durant 24 heures à une température maximale de 60°C pour éliminer la majorité des moisissures qu’elles contiennent et améliorer ainsi la conservation. Elles sont ensuite compactées et envoyées chez le distributeur. En ce qui nous concerne, nous n’employons que du houblon en cônes (fleurs). C’est le conditionnement qui s’éloigne le moins de l’état naturel.
Avant de découvrir cette plante qui fait maintenant partie de la définition légale de la bière, les brasseurs utilisaient une mixture secrète de plusieurs herbes appelée « Gruyt ». Ce sont les différents avantages que le houblon offre en matière de brassage qui l’ont rendue indispensable, principalement l’amertume, les huiles essentielles aromatiques et l’action antibactérienne.
Les substances amérisantes de la plante sont localisées dans la lupuline. Cette poudre jaune est agglomérée dans le cœur des fleurs et contient des résines douces (solubles, contrairement aux résines dures) qui comptent pour environ 15% de l’ensemble du poids du houblon. Ces résines douces sont, quant à elles, composées en partie d’acides alpha qui seront transformés au cours du houblonnage pour former un produit amer, l’iso acide alpha. Cette propriété gustative permet de contrebalancer les saveurs sucrées du malt et ainsi d’obtenir un résultat beaucoup plus complexe.
Les huiles essentielles sont aussi contenues dans la lupuline et sont également extraites durant le houblonnage ou le houblonnage à cru. Elles ont un rôle d’aromate qui se combine bien avec les autres caractéristiques gustatives de la bière.
Les substances antibactériennes contenues dans la plante ajoutent de l’intérêt à son utilisation. Cette caractéristique n’est pas anodine dans l’histoire de la bière : le succès de cette boisson est entre autre du à son potentiel d’assainissement de l’eau. La coagulation des protéines durant l’ébullition est aussi facilitée par les composants du houblon.
Les propriétés du houblon font qu’il est utilisé à deux moments distincts durant le processus de fabrication de la bière. Le houblon dont on veut extraire les résines amer sera ajouté au début du houblonnage. Celui dont on veut n’extraire que les huiles essentielles sera incorporé maximum 10 minutes avant la fin du houblonnage ou au houblonnage à cru car celles ci sont volatile.
A chaud. C’est la technique principale : le houblonnage à cru est un complément du houblonnage à chaud. Toutes les bières artisanales ont donc été houblonnée à chaud. Il y a cependant des exceptions dans l’industrie : comme la fermentation élimine à peu près 50% des iso-acides alpha, les ingénieurs préfèrent ajouter le houblon sous forme concentrée après la fermentation, question de rentabilité. Leur ébullition se fait donc sans houblonnage.
A cru. C’est une technique secondaire qui permet de compléter le caractère houblonné d’une bière. Le houblonnage à cru, ou à froid, se déroule pendant la fermentation secondaire. Un sac à houblon est laissé immergé dans le fût. L’effet est totalement non amérisant, le but étant simplement d’augmenter le taux d’huile essentielle.
Le houblon a une amertume grâce aux acides alphas qu’il contient. Le pourcentage de ce composant varie entre 5 et 15% pour les variétés utilisées pour leur amertume. Toutes les bières en contiennent pour contrebalancer les saveurs sucrées provenant du malt mais aussi pour limiter les infections.
Les IBU (International Bitterness Unit) est une mesure de l’amertume du houblon. L’acide alpha est composé d’humulone, de cohumulone et d’adhumulone. Le houblon contient également de l’acide beta mais il n’a qu’un rôle très secondaire.
Durant l’ébullition, les acides alpha subissent une isomérisation, c’est à dire un changement dans la structure chimique (la formule moléculaire reste identique). Cet acide isomérisé est le composant amer que l’on retrouve dans la bière finie : c’est l’iso acide alpha. Il en existe trois types : l’iso-humulone, l’iso-cohumulone et l’iso-adhumulone. Les acides béta peuvent également s’isomériser mais ils sont très peu solubles, ce qui rend leur contribution à l’amertume quasi insignifiante. Cependant, les iso-acides alpha se détériorent au cours de la conservation. Les autres résines amer issues du houblon (dont l’acide beta) peuvent ainsi jouer un rôle de plus en plus grand avec le temps. La production d’iso-acide alpha est fonction de la quantité totale d’acide alpha contenu dans le houblon frais. Ce taux est donné par le producteur pour chaque récolte sous les initiales IBU. Un IBU est défini comme correspondant à 1 milligramme d’acide par litre de bière. Cependant, la majorité des acides alpha sont perdus lors des procédés de fabrication de la bière qui suivent le houblonnage. Leur solubilité est limitée dans le moût et le taux d’isomérisation est loin des 100%, tournant plus tôt dans les 30-40%, avec un taux de 0% pour le houblonnage à cru.
Les facteurs qui influencent les IBU
Le volume.
Un IBU est une mesure par litre. Une modification du volume final change donc inévitablement la concentration en acide et donc le °IBU de votre bière. Si votre volume est inférieur, vous pouvez facilement rectifier le tir en ajoutant de l’eau. Par contre, si vous avez un volume supérieur à vos prédictions, c’est foutu pour une correction sauf si vous prolongez l’ébullition pour évaporer le surplus, ce qui peut demander beaucoup de temps.
La température.
La réaction de transformation des acides alphas en acides iso alphas nécessité une température la plus élevée que possible. Comme votre moût ne passera pas au dessus de 100°, vous devez vous contenter de cela. Mais ne commencez pas à houblonner à 90°, vous n’arriveriez pas à atteindre le °IBU voulu.
La durée.
Le taux d’extraction des acides et leur isomérisation sont aussi fonction du temps de houblonnage. Un tableau au point « Calculer la quantité de houblon amer » vous donnera les éléments pour déterminer votre temps de houblonnage.
La détérioration durant le stockage de la bière.
Comme les acides alpha se détériorent avec l’age, l’amertume baisse. Les facteurs de cette diminution sont l’oxygène et la chaleur. Ceci est donc une raison supplémentaire pour ne pas éclater la bière une fois la fermentation terminée. Faites tous vos transvasements via des tubes alimentaires et embouteillez avec une pipette. Il est aussi conseillé de conserver vos bières au frais et à l’abris de la lumière.
Le conditionnement.
Le houblon en pellet a subi plus de traitements pour être conditionné. Ceux-ci peuvent détérioré la qualité du houblon.
Le pH.
Bien qu’il n’influence pas directement le taux d’extraction, un pH élevé augmente la perception de l’amertume. Le taux d’iso-acide alpha reste le même mais la qualité de l’amertume change : elle sera plus âcre. La densité. L’extraction diminue lorsque la densité du moût augmente. Le taux d’ensemencement. Les levures font précipiter les iAA. Si vous augmentez votre taux d’ensemencement, vous ferai décroître l’amertume de votre bière.
La quantité de houblon utilisée.
Au plus la quantité de houblon est grande au moins l’extraction sera bonne.
Il y a encore une grande quantité de facteurs qui peuvent avoir une influence sur l’amertume définitive : la température de fermentation, la filtration, le taux de nitrogènes, l’altitude, la vigueur du houblonnage, l’utilisation de clarifiant, etc, etc. Bien entendu, il ne faut pas prendre tous ces facteurs en compte lorsque vous brassez. Les seuls auxquels il faut penser sont le taux d’acide alpha (la quantité de houblon) ainsi qu’à la température et la durée du houblonnage.
Le houblon a des vertus aromatiques grâce aux huiles essentielles qu’il contient. Ces houblons sont moins amer, voir pas du tout. Leur taux d’acide alpha est généralement compris entre 3 et 5%. Il est surtout utilisé dans les bières peu ou moyennement fortes et confère des arômes frais, fleuris, épicés ou fruités à la bière.
La chimie et les arômes du houblon
Comme cela a été dit dans la partie consacrée au houblon amer, celui ci tire ses vertus des résines douces qui comptent pour environ 15% du poids total. Le houblon aromatique, lui, ne peut compter que sur environ 2-3% en masse. Plus de 250 composants chimiques du houblon ont été répertoriés comme appartenant à la classe des huiles essentielles. Cependant, seul une douzaine sont supposés jouer un rôle aromatique majeur. Nous ne présenterons ici que les deux hydrocarbones les mieux caractérisés. Ils comptent pour la majorité du poids en huile essentielles dans un houblon aromatique frais.
Myrcène.
Dans la plupart des espèces de houblon aromatique, les myrcènes comptent pour une grand majorité des huiles essentielles présentes, entre 25 et 65%. Il possède un arôme fort à caractère mordant, âcre. Son importance en poids tend à diminuer dans les variétés « nobles » comme le Saaz ou le Tettnanger et à augmenter dans les variétés plus astringentes comme le Fuggles ou le East Kent Goldings. Il est encore plus présent dans certaines variétés amer comme le Brewer’s Gold et le Nugget. Les myrcènes ne gardent que rarement leur forme moléculaire initiale, sauf s’ils sont ajoutés à la toute fin du houblonnage ou en houblonnage à cru. La majorité des myrcènes seront dégradés ou oxydés et produiront alors des dérivés à caractéristiques florales, comme le Linalool ou de citron et de pin.
Humulène.
Ce composant développe des arômes décrits comme « élégants » et « rafinés ». Il se retrouve en grande quantité dans les houblons aromatiques. Il peut également être plus présent que les myrcènes, surtout dans les espèces nobles : le Saaz compte 40 à 45% d’humulène pour 20 à 25% de myrcène. Dans la majorité des houblons amer, l’humulène ne compte que pour 15% du total des huiles essentielles, voir moins. Comme le myrcène, l’humulène ne garde pas sa structure chimique initiale, sauf s’il est ajouté en fin de houblonnage ou en houblonnage à cru. Les dérivés de ce composant développent des arômes épicées.
Le tableau reprends la composition en myrcène et humulène de quelques variétés connues.
Comment utiliser le houblon aromatique dans une recette ?
Comment choisir une variété ?
Comme le rôle du houblon dans la bière est multiple, il faut éventuellement combiner plusieurs variétés pour arriver au résultat adéquat. Comme nous l’avons vu, le choix en ce qui concerne l’amertume n’est pas bien compliqué. Il suffit de déterminer la quantité en g à partir du %age en acide alpha de la variété que vous utilisez. Si vous devez atteindre un °IBU élevé, choisissez une variété à haut % alpha. En ce qui concerne le houblon aromatique et les autres apports du houblon amer, le mieux est de lire les descriptions des différentes variétés qui se trouvent dans une liste en annexe. Ce ne sont que des descriptions, bien sûr. Mais elles vous aideront à faire un premier choix, vos essais feront le reste. De toute façon, il n’y a pas de "mauvais houblon" ou bien des variétés qui "ne vont pas" avec certaines bières. Ce que vous risquez le plus, c’est de trop ou trop peu le percevoir. Le reste est une question de goût : fruité, épicé, seulement amer, frais, ... ?
Comment choisir un °IBU ?
Une fois que vous avez choisi une ou plusieurs variétés, vous devez encore choisir quelle intensité aura l’amertume. C’est en vous familiarisant que vous pourrez le déterminer vous même. Si vous débutez, jetez un coup d’oeil au tableau ci-dessous :
C’est un peu sommaire mais il est possible de généraliser. Il y a une "règle" très simple : au plus la bière est forte, au plus le sucré du malt devra être compensé. Donc, au plus la bière est forte au et au plus vous devrez corser la dose de houblon pour qu’il soit perceptible. On peut par exemple vous dire que faire un vin d’orge à 50 IBU ne sert à rien. D’après nos essais, en dessous de 80 pour une telle bière vous ne goûterez pas grand chose. Le tableau ci dessous fait un résumer global.
Ces valeurs viennent de nous, elles sont donc liées à nos expériences, à nos méthodes, à nos bières. De plus, nous avons déjà eu des surprises. Une bière de 100 °IBU peut être assez amer à la première cuvée et trop à la deuxième. Cela dépends de la souche de levure que vous utilisez, des températures de fermentation, de la température du houblonnage, de l’âge de la bière et de biens d’autres facteurs. Il y a cependant une bonne solution si votre bière est trop houblonnée : laissez là vieillir, elle peut vous réserver de bonnes surprises. Si elle est trop peu amer, elle le restera.
Comment calculer la quantité de houblon amer ?
Voici comment procéder :
Le poids est la quantité que vous devez déterminer. Le taux d’extraction est donné par le tableau ci dessous.
Le pourcentage d’acide alpha est indiqué sur l’emballage de votre houblon (si vous l’avez jeté, allez voir dans la liste en annexe), le volume dépends de vous et la correction pour les bières ayant une densité de plus de 1.050 au moment du houblonnage se calcule comme ceci (on ne l’a jamais utilisée, c’est plus pour l’anecdote que nous l’avons mise ici) :
Si vous utilisez plusieurs variétés de houblon amer, vous devrez faire le calcul pour chacune d’elles en ayant décidé au préalable de la part d’IBU qui viendra de chaque variété.
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